Moressée, un hameau Famennois, au coeur du triangle formé par Ciney, Marche-en-Famenne et Durbuy. Quelques bosquets agrémentent le paysage légèrement vallonné constitué de prairies et de champs. Le sol y est fertile. L’agriculture et le tourisme font partie des principales activités économiques de la région. C’est là que Jean-Marie Leboutte élève avec beaucoup de dévouement, des bovins de la race Blanc Bleu Mixte, tandis que Suzanne, son épouse d’origine hollandaise, met sur pied des activités touristiques. L’un et l’autre sont donc parfaitement complémentaires.
La race Blanc Bleu Mixte est ancienne, et la région est son milieu naturel. Il s’agit toutefois d’une race quelque peu oubliée, voire en voie de disparition. Grâce à des croisements pointus et à une sélection génétique poussée, les éleveurs, aidés par la science, sont parvenus à développer la masse musculaire de manière impressionnante et à créer ainsi une nouvelle race: le Blanc Bleu Belge – une vraie race viandeuse au rendement singulièrement élevé. Cette viande particulièrement maigre, tendre et juteuse en raison de ses fines fibres musculaires est très prisée des consommateurs et des producteurs de viande, dans le monde entier même.
Mission « Sauvons la race Blanc Bleu Mixte »
La race d’origine – la Blanc Bleu Mixte – s’est donc retrouvée marginalisée. Il ne reste plus que 3600 bovins de cette race en Wallonie, 400 en Flandre et 600 dans le Nord de la France. On peut donc véritablement parler d’une race menacée d’extinction. Au début des années 2000, un projet « Bluesel », soutenu par l’Europe, a proposé des subventions et des programmes d’élevage spécifiques pour inverser cette tendance, ce qui a permis de replacer la race Blanc Bleu Mixte sur la carte. Mais la bataille est encore loin d’être gagnée. Jean-Marie et les derniers éleveurs de cette belle leur pouvoir pour promouvoir l’élevage, tout en contribuant à mieux faire connaître la race.
Une race à double finalité
« C’est une race qui est particulièrement belle et authentique. On peut parler d’une race à double finalité même puisqu’elle convient à la production de lait et de viande », dit Jean-Marie. Les bovins adorent brouter dans les prairies. Au printemps, dès que le temps le permet, les vaches prennent la direction des prés, où elles peuvent profiter de l’herbe grasse. En hiver, elles sont abritées dans une grande étable ouverte. Elles se promènent, elles vont et viennent à leur guise et s’allongent sur une épaisse couche de paille. Puisqu’on parle du bien-être animal…
Idéal pour l’agriculture bio
« La race Blanc Bleu Mixte étant peu exigeante, elle convient particulièrement à l’agriculture bio », explique Jean-Marie. En 2016, il s’est donc totalement converti au bio. Il n’utilise plus aucun engrais chimique ni fourrage concentré depuis lors. « Tout ce que nos vaches mangent – herbe et céréales – provient de nos propres champs. Nous sommes donc totalement indépendants des approvisionnements externes en ce qui concerne l’alimentation de nos animaux. Et comme la Blanc Bleu Mixte est une race qui tombe rarement malade, nous n’avons guère besoin d’antibiotiques, à moins qu’il n’y ait pas d’autre solution », déclare l’agriculteur, qui prône l’agriculture bio. Préparer la ferme au bio a nécessité d’importants investissements. Mais Jean-Marie est heureux d’avoir franchi le pas : « Nous sommes beaucoup plus indépendants, et le rendement a diminué, mais la rentabilité a augmenté. Ainsi, nous obtenons de meilleurs prix pour notre lait et notre viande. »
Du lait et bien plus encore
Suzanne, son épouse, est du même avis. Le bio, le respect de la nature et les circuits courts, elle adore ça aussi. Le seul hic, c’est qu’elle a peur des animaux de grande taille. Suzanne est une fille de la ville : elle est née et a grandi à La Haye. C’est en tant que fille au pair qu’elle a mis les pieds pour la première fois dans la Famenne il y a plus de vingt ans. Elle y a rencontré son mari actuel lors d’une fête de village. Elle est tombée amoureuse, s’est mariée et est restée. Mais la peur des vaches ne l’a jamais totalement quittée. Elle a donc opté pour une autre activité durable à la ferme. Elle a commencé par transformer le lait en beurre, en babeurre, en crème et en fromage – pas n’importe quel fromage puisqu’il s’agit du « Pavé bleu », un fromage à pâte molle persillée. Comment aurait-il pu en être autrement dans une propriété entièrement dédiée à la race Blanc Bleu Mixte ? « Le fromage est lié la race », dit cette Néerlandaise hyperactive avec un clin d’oeil. Elle a ouvert son magasin à la ferme et a constaté que les gens du coin choisissaient de plus en plus souvent des produits de leur propre région. Et les touristes ? Ils adorent aussi. Plus encore : c’est ce qu’ils recherchent délibérément. Actuellement, les produits de la Ferme de la Bourgade sont disponibles dans pas mal de point de vente de proximité ainsi que dans beaucoup de magasin spécialisé bio sur toutes la Wallonie et Bruxelles
Le golf fermier – un franc succès
Entre-temps, Suzanne s’est aussi mise à accueillir des groupes scolaires et à leur servir de guide à la ferme. Et elle a créé un golf fermier, un sport de plein air venu des Pays-Bas et dérivé du golf traditionnel. Comme au golf, le but consiste à lancer la balle dans un trou en un minimum de coups. Sauf que le club est un sabot en bois au bout d’un manche, que la balle est en cuir et ressemble plus à une balle de handball qu’à une balle de golf, et que vous ne jouez pas sur un parcours de golf au gazon tondu ras, mais que vous suivez un parcours de dix trous en pleine nature… et même entre les vaches. Lors de pauses, on déguste un délicieux pique-nique ou on prend un verre, servis comme il se doit par la maîtresse de maison, Suzanne ; le plaisir et l’amusement entre amis, collègues ou en famille sont assurés.
Vacances à la ferme
Recevoir et chouchouter les gens. C’était et c’est toujours le dada de Suzanne. Et lorsqu’elle a constaté que la sauce prenait, elle a voulu s’investir encore plus. En effet, la ferme proposait tout ce dont les citadins affairés ont besoin pour se détendre : vie à la ferme, splendeur de la nature environnante et grands espaces. Les vaches ayant pris leurs quartiers dans la nouvelle étable en 2007, leur ancien abri n’avait plus aucune utilité. Suzanne et Jean-Marie ont alors décidé de transformer le bâtiment. Ils y ont créé deux grandes maisons de vacances – une pouvant accueillir 19 personnes, l’autre, 21 – lesquelles peuvent être réunies en une grande demeure de 40 lits, soit l’endroit idéal pour des réunions de famille ou pour une escapade entre amis avec enfants. Les hôtes ont la possibilité soit de cuisiner eux-mêmes, soit de se délecter des mets concoctés par Suzanne. Le bâtiment étant suffisamment grand pour accueillir un restaurant (uniquement pour des groupes d’au moins 10 personnes et sur demande), les propriétaires en ont fait un lieu cosy. Aux fourneaux, on trouve bien entendu Suzanne en personne. Elle travaille des produits régionaux et, de préférence, de la viande et des produits laitiers issus de sa propre ferme. Le summum absolu ? Le « Big Jean-Marie » ! Un hamburger pur boeuf Blanc Bleu Mixte – comment pouvait-il en être autrement ? – servi avec une tranche de Pavé bleu fondu et de sauce au poivre. C’est à s’en lécher les babines (également en vente au salon Agribex, d’ailleurs) !
Vacances pour les familles monoparentales
Suzanne ne cesse d’innover. Déjà depuis deux ans, en collaboration avec l’organisateur de voyages ‘Tomeeto’, elle propose des vacances aux familles monoparentales. En pension complète, pour que les parents n’aient rien à faire. Ils n’auront qu’à mettre les pieds sous la table. Pour le reste, ils pourront flemmarder, discuter avec d’autres adultes et regarder les mômes s’amuser. Des activités de groupe sont prévues pour les enfants : balade en tracteur, golf fermier, escalade de cageots, kayak, promenade, pique-nique, natation et jeux dans la rivière, feu de camp, bricolage, préparation de pizzas, fabrication de beurre, traite des vaches, etc., et jouer librement, bien entendu. Après tout, la ferme n’est-elle pas l’endroit idéal pour laisser les enfants jouer et découvrir en toute liberté ?
Le rêve de Jean-Marie : l’autonomie totale
La ferme est devenue un lieu où l’élevage et le tourisme peuvent coexister en parfaite harmonie. « L’exploitation agricole reste la principale source de revenus, même si la part du tourisme augmente d’année en année. Actuellement, les activités touristiques représentent déjà 30 à 40 % du chiffre d’affaires », explique Jean-Marie. Mais il ne veut pas non plus en rester là. En tant qu’entrepreneur, il a lui aussi beaucoup de projets. Et de quoi rêve-t-il ? « Être complètement autonome un jour. Produire nous-mêmes tout ce que nous consommons, jusqu’à et y compris l’énergie nécessaire au fonctionnement de la ferme entière. » Et pour ce faire, il envisage même d’avoir sa propre installation de bio-métanisation. « Notre ferme est trop petite pour ce projet. Mais pourquoi ne pas s’associer à d’autres ? », dit l’agriculteur en songeant à un avenir probablement pas impossible